Obtenir des mesures précises et objectives des sons ne pose pas véritablement
de problème. En revanche, la véritable difficulté consiste
à connaître la manière dont loreille les perçoit.
Abordons le problème du point de vue de la pratique des musiciens. Ceux-ci
attribuent traditionnellement aux sons quatre qualités, ou " paramètres
" : la durée, lintensité, la hauteur et le timbre.
" La sensation varie comme le logarithme de lexcitation "
Le gain varie comme le logarithme de lexcitation : cest-à-dire que pour obtenir une sensation de volume deux fois plus importante que celle fournie par 1 violon, il faudra faire jouer 10 violons ; pour doubler cette sensation une fois de plus, il faudra100 violons etc... De manière plus pratique, sur la table de mixage pour entendre un son deux fois moins fort, on baisse le niveau de 6 dB.
De même pour léchantillonnage,
on peut donner la représentation dynamique du gain théorique ainsi:
ajouter 1 bit de définition équivaut ajouter 6 dB, de même
16 bit correspond à 96 dB de dynamique théorique (dans la réalité
elle correspond à peu près à 85 dB du fait de pertes).
Pour chaque fréquence, il existe un niveau minimum où lon
commence à entendre quelque chose. Cest le seuil de perception.
Si on augmente graduellement le niveau du son, il vient un moment où
il devient insupportable, où il fait mal, cest le seuil de douleur.
Ces seuils varient suivant les fréquences. Par exemple, le seuil dapparition
dun son à 100 Hz est 40 dB plus élevé que celui dun
son à 1 000 Hz.
Ainsi, si on note tous les seuils de perception et de douleur on dessine laire
audible.
Le diagramme de Fletcher donne les courbes " disotonie ", qui
décrivent le niveau dintensité respectif de chaque fréquence
pour obtenir une sensation dintensité égale.
Ce diagramme met en évidence une zone de plus grande sensibilité
de loreille entre 500 et 5 000Hz, ce qui explique quun piccolo ou
un triangle émerge sans difficulté dun tutti dorchestre.
Lorsque nous tapons très fort avec un marteau sur une tôle, nous supportons très bien le bruit parce que nous sommes prévenus à lavance et notre système ossiculaire a le temps de saccommoder. Mais le même coup derrière notre dos nous fait sursauter et sature notre oreille.
Elle est source dune moins bonne adaptation ossiculaire ; elle conduit à une diminution voire une annulation complète de la perception. Loreille se comporte comme si elle se " déconnectait " du cerveau.
Statistiquement loreille humaine perd graduellement sa sensibilité dans laigu avec lâge.
- La surdité de perception: les cellules de Corti ne fonctionnent
pas. Cest un phénomène irréversible.
- La surdité de transmission: elle est due à une fracture
de losselet ou du tympan. On peut poser des prothèses pour y remédier.
- La surdité de loreille
externe: elle intervient lorsque le tympan est éclaté.
On peut poser un tympan en plastique.
- La presby-acousie: cest la presbytie de loreille due au
vieillissement, caractérisée par une perte des aigus. Statistiquement,
la bande passante de loreille humaine à 20 ans sétale
de 20Hz à 20 kHz, pour 20 Hz à 12 kHz à 60 ans.
- La socio-acousie : Cest le cas typique du cantonnier qui travaille
15 ans avec un marteau piqueur. La fréquence qui correspond au bruit
de la machine disparaît de son sonogramme, cest un trauma sonore.
- Lacouphène: cest un son qui nexiste pas, mais
quon entend en permanence. Il peut être passager : cest par
exemple le trauma dune boite de nuit ou dun concert de rock ; le
tympan se tétanise et vibre pendant un moment après le trauma.
Il peut être irréversible sil ne se situe pas dans loreille,
mais dans la transmission nerveuse ou dans le cerveau (virus,
).
- Lauto-acousie: cest la sensation de sentendre parler.
Elle est généralement passagère et peut être causée
par exemple par livresse alcoolique ou cannabique.
En résumé, le problème de la sensation dintensité est dune grande complexité et met en cause de nombreux paramètres.
La hauteur joue un rôle capital en musique parce que notre système
auditif possède de ce point de vue un extraordinaire pouvoir séparateur
contrairement à ce que nous avons vu pour lintensité.
Avec des sons sinusoïdaux, la sensation de hauteur dépend de lintensité.
Les sons très aigus montent quand on augmente leur intensité tandis
que les sons graves baissent.
Lorsquil sagit de sons complexes les choses deviennent beaucoup
plus compliquées.
Lexpérience montre quen régime sinusoïdal, un
son de 5 000 Hz ne sonne pas du tout comme loctave dun son de 2
500 Hz. Les intervalles musicaux ne peuvent donc pas être définis
avec léchelle des Hertz. Cest pourquoi on a imaginé
une échelle des Mels. Elle nest toutefois quasiment jamais utilisée.
Lorsquon supprime artificiellement des composantes graves ou aiguës
dun son, sa hauteur varie auditivement. Ce filtrage peut être produit
par des rideaux ou des coulisses par exemple, et poser de graves problèmes
aux musiciens.
La hauteur dun son musical peut dans une certaine mesure changer avec
le timbre. Loreille est plus sensible à lécart régulier
entre les harmoniques quà la hauteur absolue. La sensation de hauteur
peut même être perdue ( cas des sons cannelés, cf. paragraphe
suivant).
Le critère de masse est une généralisation de la notion
de hauteur, incluant les sons dont la hauteur nest pas repérable
précisément par loreille. Ce critère est en liaison
étroite avec celui de timbre harmonique qui le complète.
En dautres termes, la masse dun objet sonore, cest sa façon doccuper le champ des hauteurs,
- soit quil fasse entendre une ou plusieurs hauteurs distinctes et repérables (masses " toniques ")
- soit quil soit constitué dun ou de plusieurs " paquets " agglomérés de hauteurs (nuds) auxquels on ne peut attribuer une hauteur précise, mais qui restent susceptibles dêtre analysés comme plus ou moins aigus, médium ou graves, plus ou moins minces ou épais, etc.
sans oublier le cas le plus courant dans les sons " naturels ", celui des masses où se combinent des composants complexes et toniques (sons cannelés) ; ainsi que le cas où la masse varie en tessiture et en épaisseur au cours du déroulement dun son (cest le profil).
La notion de masse est apparue pour inclure le domaine des bruits à celui
des hauteurs repérables dans la musique du XX° siècle.
Cest une notion complexe. Il est dépendant du spectre et de son évolution temporelle. Traditionnellement, on dit que le timbre est la qualité permettant de distinguer un son parmi dautres qui ont la même intensité et la même hauteur. Il sagit ici de la notion de " timbre instrumental " décrite par Pierre Schaeffer dans le Traité des Objets Musicaux. Cependant, dans un sens légèrement différent, on parle également du timbre de tel ou tel instrument dune même famille, des divers timbres de différents registres du même instrument etc Schaeffer différencie cette notion de la précédente en la nommant " timbre harmonique ".
En raison des propriétés particulières de loreille
(cf. avant), dont la sensibilité est maximale au voisinage de 1 500
2 000 Hz, un son harmonique homogène physiquement ne lest plus
à laudition. Si on transpose donc un spectre donné vers
le grave ou laigu, son timbre perçu se modifie, quoique les rapports
dintensité entre les harmoniques physiques restent les mêmes.
En acoustique, on appelle lattaque et lextinction des sons des transitoires.
Leur rôle a été mis en évidence par Pierre Schaeffer:
si on coupe lattaque dun hautbois et quon fait écouter
la bande à des sujets qui nont pas vu lopération,
linstrument nest plus reconnu.
Les transitoires dattaque revêtent généralement des
aspects compliqués: ils comportent souvent du bruit et les harmoniques
napparaissent pas simultanément. Il en est de même pour les
transitoires dextinction (les harmoniques ne disparaissent pas simultanément,
il y a souvent ajout de bruits annexes, etc.)
Aucun son musical nest stable. Les transitoires à eux seuls permettent
souvent de différencier les instruments qui produisent les sons : raclement
de larchet au début du son du violon, bruit de souffle et attaque
en " fuseau " de la flûte, hachure verticale du choc de marteau
du piano, etc.
Il sagit du même type de problèmes que nous avons évoqué
tantôt( Facteurs modifiant la
sensation dintensité). Les conditions découte,
létat physique de lauditeur, son âge, sa culture, la
réponse acoustique du lieu, etc, interagissent avec sa perception.