Les sensations d’intensité, de hauteur, de timbre


Obtenir des mesures précises et objectives des sons ne pose pas véritablement de problème. En revanche, la véritable difficulté consiste à connaître la manière dont l’oreille les perçoit.
Abordons le problème du point de vue de la pratique des musiciens. Ceux-ci attribuent traditionnellement aux sons quatre qualités, ou " paramètres " : la durée, l’intensité, la hauteur et le timbre.


1/ La sensation d’intensité


1.1 - Loi de Fechner


" La sensation varie comme le logarithme de l’excitation "

Le gain varie comme le logarithme de l’excitation : c’est-à-dire que pour obtenir une sensation de volume deux fois plus importante que celle fournie par 1 violon, il faudra faire jouer 10 violons ; pour doubler cette sensation une fois de plus, il faudra100 violons etc... De manière plus pratique, sur la table de mixage pour entendre un son deux fois moins fort, on baisse le niveau de 6 dB.


De même pour l’échantillonnage, on peut donner la représentation dynamique du gain théorique ainsi: ajouter 1 bit de définition équivaut ajouter 6 dB, de même 16 bit correspond à 96 dB de dynamique théorique (dans la réalité elle correspond à peu près à 85 dB du fait de pertes).


1.2 Le diagramme de Fletcher


Pour chaque fréquence, il existe un niveau minimum où l’on commence à entendre quelque chose. C’est le seuil de perception. Si on augmente graduellement le niveau du son, il vient un moment où il devient insupportable, où il fait mal, c’est le seuil de douleur.
Ces seuils varient suivant les fréquences. Par exemple, le seuil d’apparition d’un son à 100 Hz est 40 dB plus élevé que celui d’un son à 1 000 Hz.


Ainsi, si on note tous les seuils de perception et de douleur on dessine l’aire audible.
Le diagramme de Fletcher donne les courbes " d’isotonie ", qui décrivent le niveau d’intensité respectif de chaque fréquence pour obtenir une sensation d’intensité égale.
Ce diagramme met en évidence une zone de plus grande sensibilité de l’oreille entre 500 et 5 000Hz, ce qui explique qu’un piccolo ou un triangle émerge sans difficulté d’un tutti d’orchestre.


1.3 Facteurs modifiant la sensation d’intensité

1.3.1 La prévisibilité des signaux

Lorsque nous tapons très fort avec un marteau sur une tôle, nous supportons très bien le bruit parce que nous sommes prévenus à l’avance et notre système ossiculaire a le temps de s’accommoder. Mais le même coup derrière notre dos nous fait sursauter et sature notre oreille.


1.3.2 La fatigue

Elle est source d’une moins bonne adaptation ossiculaire ; elle conduit à une diminution voire une annulation complète de la perception. L’oreille se comporte comme si elle se " déconnectait " du cerveau.


1.3.3 L’âge

Statistiquement l’oreille humaine perd graduellement sa sensibilité dans l’aigu avec l’âge.


1.3.4 Les pathologies


- La surdité de perception: les cellules de Corti ne fonctionnent pas. C’est un phénomène irréversible.


- La surdité de transmission: elle est due à une fracture de l’osselet ou du tympan. On peut poser des prothèses pour y remédier.


- La surdité de l’oreille externe: elle intervient lorsque le tympan est éclaté. On peut poser un tympan en plastique.


- La presby-acousie: c’est la presbytie de l’oreille due au vieillissement, caractérisée par une perte des aigus. Statistiquement, la bande passante de l’oreille humaine à 20 ans s’étale de 20Hz à 20 kHz, pour 20 Hz à 12 kHz à 60 ans.


- La socio-acousie : C’est le cas typique du cantonnier qui travaille 15 ans avec un marteau piqueur. La fréquence qui correspond au bruit de la machine disparaît de son sonogramme, c’est un trauma sonore.


- L’acouphène: c’est un son qui n’existe pas, mais qu’on entend en permanence. Il peut être passager : c’est par exemple le trauma d’une boite de nuit ou d’un concert de rock ; le tympan se tétanise et vibre pendant un moment après le trauma. Il peut être irréversible s’il ne se situe pas dans l’oreille, mais dans la transmission nerveuse ou dans le cerveau (virus, …).


- L’auto-acousie: c’est la sensation de s’entendre parler. Elle est généralement passagère et peut être causée par exemple par l’ivresse alcoolique ou cannabique.

En résumé, le problème de la sensation d’intensité est d’une grande complexité et met en cause de nombreux paramètres.

2/ La sensation de hauteur


La hauteur joue un rôle capital en musique parce que notre système auditif possède de ce point de vue un extraordinaire pouvoir séparateur contrairement à ce que nous avons vu pour l’intensité.


2.1 Sensation de hauteur et intensité: expérience de Stevens


Avec des sons sinusoïdaux, la sensation de hauteur dépend de l’intensité. Les sons très aigus montent quand on augmente leur intensité tandis que les sons graves baissent.
Lorsqu’il s’agit de sons complexes les choses deviennent beaucoup plus compliquées.


2.2 Sensation de hauteur et tessiture: l’échelle des Mels


L’expérience montre qu’en régime sinusoïdal, un son de 5 000 Hz ne sonne pas du tout comme l’octave d’un son de 2 500 Hz. Les intervalles musicaux ne peuvent donc pas être définis avec l’échelle des Hertz. C’est pourquoi on a imaginé une échelle des Mels. Elle n’est toutefois quasiment jamais utilisée.


2.3 Sensation de hauteur et timbre


Lorsqu’on supprime artificiellement des composantes graves ou aiguës d’un son, sa hauteur varie auditivement. Ce filtrage peut être produit par des rideaux ou des coulisses par exemple, et poser de graves problèmes aux musiciens.
La hauteur d’un son musical peut dans une certaine mesure changer avec le timbre. L’oreille est plus sensible à l’écart régulier entre les harmoniques qu’à la hauteur absolue. La sensation de hauteur peut même être perdue ( cas des sons cannelés, cf. paragraphe suivant).


2.4 La " masse " du Traité des Objets Musicaux


Le critère de masse est une généralisation de la notion de hauteur, incluant les sons dont la hauteur n’est pas repérable précisément par l’oreille. Ce critère est en liaison étroite avec celui de timbre harmonique qui le complète.

En d’autres termes, la masse d’un objet sonore, c’est sa façon d’occuper le champ des hauteurs,


- soit qu’il fasse entendre une ou plusieurs hauteurs distinctes et repérables (masses " toniques ")


- soit qu’il soit constitué d’un ou de plusieurs " paquets " agglomérés de hauteurs (nœuds) auxquels on ne peut attribuer une hauteur précise, mais qui restent susceptibles d’être analysés comme plus ou moins aigus, médium ou graves, plus ou moins minces ou épais, etc.


– sans oublier le cas le plus courant dans les sons " naturels ", celui des masses où se combinent des composants complexes et toniques (sons cannelés) ; ainsi que le cas où la masse varie en tessiture et en épaisseur au cours du déroulement d’un son (c’est le profil).


La notion de masse est apparue pour inclure le domaine des bruits à celui des hauteurs repérables dans la musique du XX° siècle.

 

3 / La sensation de timbre

C’est une notion complexe. Il est dépendant du spectre et de son évolution temporelle. Traditionnellement, on dit que le timbre est la qualité permettant de distinguer un son parmi d’autres qui ont la même intensité et la même hauteur. Il s’agit ici de la notion de " timbre instrumental " décrite par Pierre Schaeffer dans le Traité des Objets Musicaux. Cependant, dans un sens légèrement différent, on parle également du timbre de tel ou tel instrument d’une même famille, des divers timbres de différents registres du même instrument etc… Schaeffer différencie cette notion de la précédente en la nommant " timbre harmonique ".


3.1 Le spectre


En raison des propriétés particulières de l’oreille (cf. avant), dont la sensibilité est maximale au voisinage de 1 500 – 2 000 Hz, un son harmonique homogène physiquement ne l’est plus à l’audition. Si on transpose donc un spectre donné vers le grave ou l’aigu, son timbre perçu se modifie, quoique les rapports d’intensité entre les harmoniques physiques restent les mêmes.

3.2 Le problème des transitoires


En acoustique, on appelle l’attaque et l’extinction des sons des transitoires. Leur rôle a été mis en évidence par Pierre Schaeffer: si on coupe l’attaque d’un hautbois et qu’on fait écouter la bande à des sujets qui n’ont pas vu l’opération, l’instrument n’est plus reconnu.
Les transitoires d’attaque revêtent généralement des aspects compliqués: ils comportent souvent du bruit et les harmoniques n’apparaissent pas simultanément. Il en est de même pour les transitoires d’extinction (les harmoniques ne disparaissent pas simultanément, il y a souvent ajout de bruits annexes, etc.)
Aucun son musical n’est stable. Les transitoires à eux seuls permettent souvent de différencier les instruments qui produisent les sons : raclement de l’archet au début du son du violon, bruit de souffle et attaque en " fuseau " de la flûte, hachure verticale du choc de marteau du piano, etc.

3.3 Le problème des conditions d’écoute


Il s’agit du même type de problèmes que nous avons évoqué tantôt( Facteurs modifiant la sensation d’intensité). Les conditions d’écoute, l’état physique de l’auditeur, son âge, sa culture, la réponse acoustique du lieu, etc, interagissent avec sa perception.

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